Michel Rostain - Le Fils

« Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu'il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu'il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin. Papa ne peut plus traîner. Condoléances, etc. Le teinturier – re condoléances, etc. - débarrasse papa de la couette. Papa aurait voulu que ça dure, une file d'attente, une livraison, une tempête, juste que ça dure le temps de respirer encore un peu plus des bribes de mon odeur. Papa se dépouille, il perd, il perd. »
Michel Rostain nous happe dans le récit d'un deuil impensable. Avec une infinie pudeur et une grande finesse, il nous entraîne dans les méandres d'un amour absolu, celui d'un père pour son fils.

 

L’auteur :

Michel Rostain est metteur en scène de théâtre lyrique et musical et un écrivain français.
Il a commencé à étudier la musique, en autodidacte, dès l’âge de 7 ans et a repris assidûment des études musicales au cours des années 1970–1980.
Il a enseigné la philosophie en classes terminales, puis a été chargé de cours au département de psychologie clinique de Paris VII.
Dans le même temps il travaillait dans un laboratoire de recherches en sciences humaines, et à la clinique psychiatrique de Laborde, dirigée par Félix Guattari et Jean Oury.

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